Voyages
de Alain Semmel

de Alain Semmel
Alain Semmel

Né le 2 décembre 1943, prématuré de huit jours, ma mère ayant glissé sur une plaque de verglas en fuyant la chasse aux juifs. Ironie de la vie, une voiture de la Gestapo escortait l’ambulance qui conduisait ma mère à l’hôpital de Moutiers. Premier miracle. Mon père étant prisonnier, mon oncle fut appelé au secours de mon identité, et je fus baptisé dans l’église de Moutiers.
Enfant, mon héros était Surcouf. Je rêvais d’aventures sur mon trois-mâts goélette, fonçant vers le grand sud, à la poursuite de l’horizon. De ce trois-mâts, je construisais des maquettes en carton dans l’arrière-boutique de mon père, après la classe.
« Non mon fils, disait ma mère, l’École navale n’est pas pour toi. C’est un milieu très antisémite. Tu seras ingénieur, comme ton cousin Serge, et tu auras un voilier pour tes loisirs, avec deux mâts et deux marins. »
Ingénieur. Je n’avais pas envie. Heureusement, j’ai rencontré mon second héros en lisant « La source vive » d’Ayn Rand, trouvé par hasard dans un placard de ma grand-mère. Howard Roark, architecte sans compromis, devint mon horizon.
« Soit, convinrent mes parents, tu feras les Beaux Arts. »
Je suis devenu architecte, j’ai eu mon voilier, mais avec seulement un mât, et les deux marins ont été remplacés par des copains.
N’ayant pas de papa architecte, j’ai commencé ma carrière, à l’inverse d’Howard, en me compromettant avec des promoteurs, par nécessité alimentaire. Prenant de la bouteille, j’ai fini par imposer mon style et acquérir, à défaut de la fortune, le respect de mes clients. Au conseil municipal de Biot, où j’ai été, vingt-quatre ans, adjoint au maire délégué à la culture, j’ai rencontré la femme du directeur du Marineland d’Antibes. Il m’a fait confiance, alors que je ne connaissais rien de la biologie marine. Ma vie professionnelle à basculé. Je pouvais allier ma passion de la mer avec celle de mon métier. Pendant treize ans, j’ai pu développer et moderniser le parc, en construisant le bassin des requins, les bassins et tribunes des orques et des dauphins, le lagon, les restaurants et boutiques.
Et j’ai parcouru les mers sur mon voilier. Pas toutes, faute de temps, j’aurais tant voulu ! Mais d’arriver à Rio, toutes voiles dehors, la nuit sous un orage noir, est tout de même une jolie aventure.